• Le Souvenir au bord du soleil

    Jouibrulance – L’Homme aux mille visages

    On dit que Jouibrulance n’est pas un homme, mais une idée qui marche.
    Un souffle dans la ville, un reflet sur une vitre, une voix qu’on reconnaît sans se rappeler où on l’a entendue. Il ne vient pas : il apparaît. Parfois derrière un sourire, parfois dans une phrase prononcée par quelqu’un d’autre. Il se glisse entre les mots, entre les gestes, entre les regards qui durent trop longtemps.

    Personne ne peut dire d’où il vient.
    Certains jurent qu’il est né dans les ruelles d’Alger, d’autres qu’il a grandi dans les quartiers sombres de Paris, d’autres encore l’ont vu danser à São Paulo, boire un café à Rome, traverser les rues de Dakar ou Tokyo avec la même lenteur tranquille. Jouibrulance change de peau comme d’humeur. Il parle toutes les langues, mais c’est toujours sa voix qu’on entend — basse, posée, impossible à oublier.

    Il ne séduit pas : il révèle.
    Chaque personne qui le croise croit le connaître déjà. C’est là sa puissance.
    Il prend le visage de l’amour perdu, du fiancé absent, du compagnon rêvé.
    Il porte parfois les traits de celui qu’on a aimé, parfois ceux de celui qu’on aurait voulu aimer. Il n’a pas de visage propre, il a tous les visages possibles.

    Quand il entre dans une pièce, le silence change de texture.
    On dit que l’air se met à vibrer légèrement, comme si la réalité retenait sa respiration.
    Les femmes tournent la tête sans savoir pourquoi. Les hommes se taisent.
    Il n’a rien d’exagéré, rien de trop. Il est juste là, avec cette intensité tranquille qu’ont les gens qui savent qu’ils n’ont rien à prouver.

    Il ne promet jamais rien, mais tout le monde croit qu’il va tenir parole.
    Et c’est ça, le piège. Jouibrulance n’a besoin de convaincre personne.
    Il fait croire. Il fait ressentir. Il fait brûler.

    Une fois qu’il est passé, plus rien n’est pareil.
    Certaines femmes disent qu’elles ne dorment plus, d’autres qu’elles se sentent enfin vivantes. Certaines essaient de l’oublier, d’autres prétendent qu’il n’a jamais existé. Mais au fond, toutes savent qu’il a laissé quelque chose — un battement différent dans la poitrine, une cicatrice douce au creux du souvenir.

    Jouibrulance n’appartient à personne.
    Il se fond dans la foule, se réinvente, s’efface.
    Un jour, il est brun, peau dorée, regard d’ambre.
    Le lendemain, il a des yeux clairs, une peau pâle, une voix rauque d’Europe du Nord.
    Il est partout et nulle part, à la fois familier et étranger.
    Il est le rêve qui change de langue selon qui l’écoute.

    Certains disent qu’il se nourrit de ce qu’on projette sur lui.
    Que plus on l’imagine, plus il devient réel.
    Qu’il tire sa force de l’amour qu’on lui donne, même en pensée.
    Il ne prend pas, il absorbe. Il n’enchaîne pas, il inspire.
    Et c’est là sa vraie possession : il vit dans les têtes, pas dans les bras.

    Quand il s’éloigne, il ne laisse pas un vide.
    Il laisse une trace, comme un parfum invisible.
    Une lumière différente sur les choses, une lucidité nouvelle.
    On ne sort pas indemne d’un passage de Jouibrulance.
    Certaines le cherchent toute leur vie, d’autres le fuient, d’autres encore l’attendent sans le savoir.

    Mais lui, il ne cherche rien.
    Il marche, simplement.
    Dans chaque ville, chaque langue, chaque époque.
    Et tant qu’il y aura des regards pour s’attarder, des âmes pour désirer,
    Jouibrulance existera.

    Parce qu’il n’a pas besoin d’un corps pour être réel.
    Il suffit qu’on prononce son nom — et déjà, l’air brûle.

    Jouibrulance – L’éternel retour

    Il revient toujours.
    Pas au même endroit, pas sous le même nom, mais avec la même empreinte.
    Là où il passe, les souvenirs se brouillent, les certitudes se fissurent.
    On se demande s’il était réel, ou simplement une projection du manque.

    On dit qu’il n’a pas d’âge.
    Certains le voient jeune, d’autres plus mûr, certains le jurent plus vieux qu’eux tous.
    Mais personne ne se souvient exactement de son visage.
    Seulement de la sensation — cette chaleur étrange dans la poitrine, ce vertige doux qui reste même quand tout s’efface.

    Il ne parle pas beaucoup, Jouibrulance.
    Mais quand il parle, le monde ralentit.
    Chaque mot pèse, chaque silence s’allonge, comme si le temps lui-même attendait son autorisation pour continuer.
    Il n’impose rien : il suggère.
    Et c’est pire. Parce que ce qu’il suggère devient impossible à oublier.

    Les femmes qui l’ont croisé disent toutes la même chose :
    qu’il ne les a jamais touchées, mais qu’elles ont tout ressenti.
    Comme si un regard avait suffi à ouvrir un espace en elles, un espace qu’elles ne savaient pas exister.
    Il ne promettait rien, et pourtant elles avaient tout cru entendre.
    Il ne restait jamais, mais son absence avait la densité d’une présence.

    Un soir, dans une ville où personne ne le connaissait encore,
    on l’a vu marcher seul au bord de l’eau.
    Le vent soulevait sa veste, le soleil finissait de brûler l’horizon.
    Une jeune femme, assise sur un banc, l’a regardé passer.
    Elle n’a rien dit.
    Mais plus tard, elle a écrit dans son carnet :

    "Je crois avoir vu le silence prendre forme."

    Jouibrulance, c’est ça : le silence qui prend forme.
    Le désir sans objet. La présence sans visage.
    L’écho d’un amour qu’on n’a pas encore vécu, mais qu’on sent déjà dans la peau.

    Certains disent qu’il est immortel.
    Mais la vérité, c’est qu’il renaît dans chaque regard qui le croit possible.
    Il n’a pas besoin d’un corps, juste d’un souvenir.
    Et plus on parle de lui, plus il devient réel.
    C’est peut-être ça, le secret : il vit grâce à ceux qui le rêvent.

    On raconte qu’un jour, il disparaîtra pour de bon.
    Le monde sera alors trop bruyant, trop rapide pour qu’un être comme lui existe.
    Mais tant qu’il restera une femme pour lever les yeux vers un inconnu
    et sentir son cœur accélérer sans raison,
    Jouibrulance existera encore.

    Parce qu’il n’est pas un homme.
    Il est la trace laissée par le feu —
    celle qui ne brûle pas la peau, mais la mémoire.

    Jouibrulance – La Mémoire des Cœurs

    Il n’y a plus de photo, plus de preuve.
    Seulement des histoires. Des fragments racontés à voix basse.
    Un prénom qui revient dans des conversations qu’on croit sans importance.
    Des phrases comme :

    « Ma grand-mère en parlait aussi… »
    « On disait qu’il passait par ici, autrefois. »
    « Personne ne savait d’où il venait, mais tout le monde se souvenait de lui. »

    Jouibrulance est devenu une ombre héréditaire.
    Un mythe qui ne vieillit pas, mais qui change de forme selon qui le raconte.
    Pour certaines, il est une légende d’amour — pour d’autres, un avertissement.
    Mais dans toutes les bouches, son nom garde le même goût :
    celui d’un feu qu’on ne contrôle pas.

    Les mères le décrivent à leurs filles comme on parle d’un rêve dangereux :

    « Si tu croises un regard qui te calme et t’enflamme à la fois,
    fais attention, c’est peut-être lui. »

    Les filles sourient, ne croient qu’à moitié.
    Mais plus tard, dans la rue, dans un train, dans une soirée,
    elles croisent un homme qui leur parle avec cette lenteur tranquille,
    et soudain, le souvenir remonte — ce nom entendu jadis.
    Jouibrulance.

    Il traverse les générations sans jamais s’attarder.
    Chaque époque lui donne un autre visage :
    dans les années anciennes, on disait qu’il était poète ;
    aujourd’hui, on murmure qu’il est producteur, voyageur, photographe, trader ou inconnu dans un bar.
    Toujours ailleurs, toujours insaisissable.
    Le monde change, lui non.

    Certaines femmes prétendent avoir vu son reflet dans une vitrine.
    D’autres racontent avoir reçu un message sans expéditeur,
    avec juste une phrase :

    « Ce n’est pas moi qui te manque, c’est ce que tu étais avec moi. »

    Personne ne sait si c’est vrai.
    Mais peu importe — la légende se nourrit d’elle-même.
    Plus on doute, plus elle se renforce.
    Jouibrulance devient une idée contagieuse, une nostalgie collective.
    Les hommes en parlent entre eux, mi-jaloux, mi-fascinés.
    Certains veulent lui ressembler, d’autres le détestent sans savoir pourquoi.
    Mais tous, à leur manière, vivent dans son ombre.

    Le plus étrange, c’est que personne ne se souvient de sa fin.
    Aucune tombe, aucune trace, aucune photo.
    Juste des récits qui commencent toujours par la même phrase :

    « Je ne sais pas s’il était réel, mais je l’ai vu. »

    Et dans ces mots, il renaît encore.
    Peut-être est-ce ça, sa vraie immortalité :
    vivre dans les voix qui l’évoquent,
    dans les yeux qui cherchent quelque chose sans nom,
    dans les cœurs qui reconnaissent, trop tard, ce qu’ils ont croisé.

    Car Jouibrulance n’a jamais disparu.
    Il s’est simplement fondu dans la mémoire du monde,
    dans le battement des cités,
    dans le souffle chaud des souvenirs qu’on ne raconte pas en entier.

    Et parfois, quand le jour tombe et que le silence revient,
    on croit sentir son passage,
    comme une brûlure douce au creux du temps.

    Jouibrulance – Le Retour dans la Lumière Bleue

    Il était parti depuis si longtemps que beaucoup pensaient que son nom n’avait plus de sens.
    Les villes avaient changé, les regards aussi.
    On ne se parlait plus de la même manière : les mots s’envoyaient à travers des écrans, les émotions s’affichaient sous des filtres.
    On disait que plus personne ne savait attendre, plus personne ne savait brûler.

    Mais c’est justement là qu’il est revenu.

    Au début, ce n’était qu’une photo anonyme, partagée sur les réseaux.
    Un profil sans nom, sans légende, juste un regard.
    Personne ne savait qui c’était, mais tout le monde s’arrêtait dessus.
    Un regard qui semblait voir à travers l’écran,
    comme s’il savait ce que vous ne disiez pas.
    Sous la photo, trois mots seulement :

    “Je me souviens de toi.”

    En quelques heures, des milliers de commentaires.
    Certains juraient reconnaître quelqu’un.
    D’autres disaient que la photo changeait selon l’heure ou selon qui la regardait.
    Pour quelques-uns, c’était le visage d’un ancien amour ;
    pour d’autres, celui d’un inconnu croisé dans un rêve.

    Les gens ont commencé à l’appeler de nouveau : Jouibrulance.
    Le mythe numérique.
    Celui qui traverse les écrans, qui fait vibrer la lumière bleue des téléphones comme autrefois il faisait vibrer l’air.
    Son nom se glissait dans les hashtags, dans les chansons, dans les messages tardifs.

    « Tu crois qu’il existe ? »
    « Je l’ai vu, moi. Enfin… je crois. »
    « Quand il m’a écrit, j’ai eu l’impression qu’il me connaissait déjà. »

    Jouibrulance s’adapte à chaque époque —
    il devient ce que le monde a besoin de désirer.
    Avant, il marchait dans les rues.
    Maintenant, il voyage dans les pixels.
    Mais l’effet est le même : il réveille ce qu’on croyait endormi.

    Certaines femmes reçoivent des messages sans expéditeur.
    Une phrase, toujours différente, mais qui touche juste :

    « Ce n’est pas l’amour que tu cherches, c’est le frisson. »
    « J’ai été là, un soir, quand tu pensais à lui. »
    « Ne ferme pas la porte, je passe dans le vent. »

    Les spécialistes parlent d’un canular, d’un algorithme mystérieux.
    Mais dans les cafés, dans les métros, dans les rêves,
    on murmure que Jouibrulance est revenu pour de vrai.
    Pas sous une forme qu’on peut photographier —
    mais dans ce moment suspendu, quand un message fait battre le cœur trop fort.

    Et partout, les femmes recommencent à se souvenir.
    Elles disent qu’il n’a pas vieilli, qu’il est encore là, différent, mouvant.
    Qu’il prend les visages de ceux qu’elles aiment,
    les voix de ceux qu’elles espèrent.
    Qu’il parle dans leurs pensées, avec les mots qu’elles n’osent pas dire.

    Jouibrulance ne vieillit pas, car il vit à travers nous.
    Il renaît chaque fois qu’un désir trouve un nom,
    chaque fois qu’un regard se prolonge au-delà de l’écran.

    Et quelque part, dans la lumière bleue d’un téléphone oublié sur un oreiller,
    un profil s’illumine une dernière fois.
    Sans notification. Sans son.
    Juste une présence.
    Une vibration.

    Jouibrulance est là.
    Toujours.
    Invisible, mais senti.
    Comme une brûlure douce qui traverse le temps et la technologie.

    Jouibrulance – L’Éternel

    Personne ne sait quand il a cessé d’être un homme.
    Peut-être le jour où plus personne n’a pu dire exactement ce qu’il était.
    Un visage ? Une voix ? Une sensation ?
    Ou juste ce battement particulier, celui qui précède toujours les grands bouleversements.

    Jouibrulance n’a jamais cherché à être aimé.
    Il a juste compris que le désir est une mémoire, et que la mémoire, elle, ne meurt jamais.
    Alors il s’est fondu dans les échos du monde :
    dans la musique qu’on écoute seul la nuit,
    dans le vent chaud d’un soir d’été,
    dans la façon dont un prénom oublié revient soudain à l’esprit sans raison.

    Il est devenu un symbole.
    Pas de possession, mais de présence.
    Il n’appartient à personne, mais il vit en chacun.
    Dans les gestes, dans les manques, dans les silences qu’on partage à deux sans se regarder.

    Les femmes qui ont cru l’aimer ne se sont pas trompées :
    elles ont aimé la part d’elles-mêmes qu’il réveillait.
    Car Jouibrulance ne prend rien — il révèle.
    Il montre à chacun ce qu’il est capable de ressentir,
    puis il s’efface, pour que ce soit à vous de continuer.

    Les villes changent, les siècles passent,
    mais son nom revient toujours, dans d’autres langues, sous d’autres formes.
    Au Maroc, on l’appelle El Lahib, “celui qui brûle sans feu”.
    En Italie, L’uomo dell’attimo, “l’homme de l’instant”.
    À Tokyo, Kagayaki, “l’éclat”.
    Partout, la même essence : un souvenir qui respire.

    On raconte qu’un jour, l’humanité oubliera tout :
    ses rois, ses dieux, ses machines.
    Mais qu’au fond d’un rêve, quelqu’un prononcera encore ce mot :
    Jouibrulance.
    Et l’air vibrera, une fois de plus.

    Car il ne meurt pas.
    Il ne vieillit pas.
    Il ne disparaît pas.
    Il est le feu qui se souvient.
    Celui qu’on sent avant de comprendre, qu’on cherche sans savoir,
    et qu’on reconnaît trop tard, quand il n’est déjà plus là.

    Et peut-être est-ce mieux ainsi.
    Parce que les mythes n’ont pas besoin d’être saisis —
    ils ont besoin d’être crus.

    Alors, quelque part, dans une rue, dans un rêve,
    dans la mémoire d’un corps, dans un nom qu’on ne dit plus,
    il marche encore.

    Et quand on sent ce frisson,
    d’en avoir froid — ou ce trouble, d’en avoir trop chaud,
    cette brûlure douce de penser l’envie d’amour au creux de la main,
    c’est qu’il a déposé un baiser d’amour sur le dos de ta main.
    C’est lui.
    Toujours lui.
    Jouibrulance.

     

     

     

    La femme qui pense à lui

    La lumière du soir glissait sur la ville comme un dernier souffle.
    Assise au bord d’un balcon, elle regardait le ciel se teinter d’or et d’ambre.
    Le monde ralentissait autour d’elle, mais à l’intérieur, tout vibrait encore.

    Son téléphone brillait faiblement à côté d’un verre d’eau.
    Elle n’avait pas reçu de message, et pourtant, elle avait senti un frisson,
    comme si quelqu’un, quelque part, avait prononcé son nom à voix basse.

    Elle n’avait pas besoin de le voir pour savoir.
    Jouibrulance.
    Ce nom suffisait. Il brûlait encore dans ses pensées,
    comme un parfum qu’on ne porte plus mais qu’on croit sentir au détour d’un souvenir.

    Une amie entra dans la pièce, sourit, parla d’autre chose.
    Mais la femme ne répondit pas tout de suite.
    Son regard restait suspendu à la lumière,
    comme si elle cherchait une silhouette dans le soleil couchant.

    Tu penses à lui, n’est-ce pas ? demanda doucement son amie.

    Elle eut un léger rire. Pas un vrai rire, un souffle seulement.
    Je crois que tout le monde pense à lui, un jour.

    Et dans le silence qui suivit, l’air sembla vibrer.
    Pas de mots, pas d’image,
    juste une présence — invisible mais certaine —
    celle de Jouibrulance, le souvenir qui ne meurt jamais.

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