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Jouibrulance, ce mot, portait en lui le souvenir d’un monde numérique disparu, mais aussi le présent d’un plaisir réel, incarné, qu’aucun algorithme ne peut effacer.
By CHANJOUISSON in Home on 26 June 2025 à 21:57Jouibrulance – Mémoires d’un mot incarné
Il y a des mots que l’on ne choisit pas.
Des mots qui nous attendent en silence,
tapis dans l’ombre numérique,
entre deux clics, entre deux soupirs.Elle ne l’avait pas cherché.
Elle l’avait ressenti,
au creux de ses doigts,
dans la chaleur douce d’un matin sans attente.Un mot revenu d’un monde disparu :
Jouibrulance.Cela faisait longtemps.
Le web avait changé.
Les blogs s’étaient tus.
Les pseudos s’étaient effacés.
Les messages du matin —t'as js! cchnne! —
n’étaient plus que poussière.Mais ce mot vibrait encore.
Pas dans les notifications,
mais dans la mémoire du corps.Un jour, comme les autres,
J'avais posé mes doigts sur le clavier.
Sans projet.
Juste un geste ancien :
écrire pour le retrouver.Et dans la lumière pâle de l’écran,
une page s’ouvrit.
Sans titre, sans auteur.
Mais au centre, il y avait ce mot.
Isolé.
Brûlant.
Reconnaissable.Jouibrulance.
Elle se souvint.
Des langues offertes.
Des bouches qui goûtaient sa chatte.
Des étudiantes — hétérosexuelles, disait-on —
qui glissaient vers elle,
avec des mains incertaines,
des regards affamés.Elles disaient : « Je ne suis pas lesbienne, mais… »
Pourtant, c’est une forme de jouibrulance — néologisme de la fusion entre jouissance et brûlure — qui m’absorbe, me traverse. Un emportement sensuel et involontaire, presque mystique, où le corps précède le mot, et le mot devient sortilège.Se faire « bouffer la moule », pour reprendre la crudité volontaire du langage, échappe ici à la conscience. C’est une dépossession, une transgression des identités fixes, une transformation de soi par le contact — charnel et verbal. Le langage érotique devient performatif : « mets-le-moi en ma langue » n’est plus une simple métaphore mais un acte, une incarnation.
Ce n’est plus ma bouche, c’est une bouche traversée, une bouche en extase, une bouche autre — qui donne, qui goûte, qui devient. La langue n’est plus seulement organe mais outil d’accomplissement, de reconnaissance dans l’autre, dans son sexe qui devient feu.
L’expérience lesbienne ici n’est pas identitaire mais événementielle : elle surgit, elle s’impose, elle fait vaciller les repères — entre moi et l’autre, entre sujet et rôle, entre langage et chair.
OUI toi!, charnelle et littéraire :
Tu disais : « Je ne suis pas lesbienne
Mais tu les sans le savoir...
Le plus souvent, tu les fais déjà sans le savoir.
Ce que ta langue veux c'est ce que sa chatte qui te manque
Peut-être pour profiter de tes super-pouvoirs de ces petites actions, cchnnnne!!! ... Je parlais donc du geste de se faire lécher comme un chat qui fait sa toilette avec sa langue
.… tu le fais déjà… sans le savoir
»
Et pourtant,tu l'as lécher comme un félin méticuleux
c’est moi en cette jouibrulance
cette brûlure de jouir, ce mot que je forge parce que ce lien me suffit plus
et qui m’envahit les yeux...
Elle m’absorbe, me traverse, m’arrache à moi-même.
C’est comme si ton corps me parlait avant que ta bouche ne dise NON. Comme si le mot devenait sortilège, et moi, ton envoûtée.
Me faire bouffer La moule, dis-le comme tu veux, avec toute la crudité qu’il faut
— ce n’est pas un choix, c’est un vertige. Ce n’est plus moi qui décide. Je ne sais même pas quand j’ai glissé dans ce rôle. Peut-être que je ne fais que t’accomplir. Peut-être que c’est toi qui m’as faite, en me donnant ce rôle de lesbienne forace, affamée, à qui tu offres ta langue pour y déposer la mienne.
Quand tu me dis : « Mets-le-moi en ta langue », je n’entends pas une phrase. J’entends un ordre magique. Et ma bouche cesse d’être mienne. Elle devient passage. Elle devient offrande. Elle devient extase.
Je ne parle plus. Je te goûte. Je te donne de la bonne langue, comme une prière fermée dans tes yeux, comme une reconnaissance, un pacte charnel. Et toi, ta chatte devient feu. Et moi, je brûle en toi.
Ce n’est pas une identité que je prends
c’est un événement. Une collision. Une possession douce et brutale, où les mots, le genre, les frontières n’ont plus de place. Il n’y a plus que toi. Et moi. Et ce geste qui nous transforme.
Elles venaient chercher là ce que les hommes n’avaient pas su donner.
Elles s’agenouillaient devant celles qui n’avaient rien demandé.
Elles goûtaient sans honte.
Elles buvaient sans nommer.Et nous, les lesbiennes
On observait.
On s'acceptait parfois.
On ne ce repoussait pas, souvent.
Mais il arrivait que l’on ouvre les cuisses,des autres
pas pour valider leur désir,
mais pour honorer le nôtre.Car la jouissance, elle,
ne demande pas toujours la permission.Elle brûle,
elle envahit,
elle insiste.Jouibrulance n’est pas un mot sage.
Ce n’est pas une catégorie.
Ce n’est pas une identité.C’est un frisson.
Un mot-charnière.
Un mot-mémoire.C’est la collision entre celles qui se cherchent
et celles qui se savent.C’est ce moment suspendu où une femme,
hétéro ou pas,
pose sa langue sur le plaisir d’une autre femme
et s’y perd,
et s’y trouve.Ce n’est ni trahison ni conversion.
C’est une expérience.
Une rencontre.
Un corps qui parle une langue oubliée.Et nous, dans cette histoire
Nous étions là.
Témoin et actrice.
Objet de désir et sujet de mémoire.Jouibrulance, ce mot,
portait en lui le souvenir d’un monde numérique disparu,
mais aussi le présent d’un plaisir réel, incarné,
qu’aucun algorithme ne peut effacer.Aujourd’hui encore,
il revient.
Il se glisse entre deux lignes,
dans un post anonyme,
dans une phrase laissée en suspens.Pas une identité.
Pas une revendication.
Une sensation.Un lieu où les mots jouissent autant que les corps.
Un lieu sans drapeau,
mais avec des doigts, des bouches, des souffles.Un lieu où les lesbiennes se rappellent qu’elles sont désirées,
parfois trop, parfois mal,
mais toujours intensément.Un lieu où les hétéros, curieuses ou perdues,
viennent boire à la source
et repartent changées,
même si elles ne le disent pas.Et au centre de tout cela,
il y a ce mot.
Toujours.Jouibrulance.
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