• … J’avais entendu des bribes, des rumeurs à moitié étouffées, mais suffisantes pour éveiller en moi une angoisse sourde...

    ​… J’avais entendu des bribes, des rumeurs à moitié étouffées, mais suffisantes pour éveiller en moi une angoisse sourde. Était-ce vraiment lui, ou juste le fantôme d’un nom qui traînait encore sur les réseaux ?

     

     

    … J'avais entendu des bribes d’histoires sur lui, des récits flous qui circulaient dans les forums ou dans les conversations tardives. On disait qu’il changeait souvent de pseudo, qu’il rôdait là où les gens se sentaient en sécurité. J’ai eu un frisson — et pourtant, une curiosité malsaine m’a poussé à cliquer sur son profil…

     

     

     

    LÉA :… J'avais entendu des bribes de discussions sur ce type : apparemment, il contactait plein de gens en se faisant passer pour quelqu’un d’autre. Même photo de profil, même manière d’écrire. Ça m’a mis mal à l’aise, j’ai préféré bloquer direct.

    SARAH :
    Franchement, Léa, je te l’avais dit. Fais gaffe à ce genre de profils. Le pseudo déjà, ça crie “danger” à dix kilomètres. Jouibrulance... Non mais sérieusement ? On dirait un nom de secte ou un parfum raté. Le mec croit sûrement que ça fait mystérieux ou poétique, alors que ça fait juste… glauque.

    LÉA :
    Je sais, je sais… Au début je me suis dit “allez, peut-être que je juge trop vite”. Mais dès le premier message, j’ai senti le malaise. Genre il écrit “salut beauté de la nuit ”, t’imagines ? Je me suis dit : ok, il vit dans un roman cheap.

    SARAH :
    (Rires) “Beauté de la nuit”, non mais quel ringard. Les mecs comme ça pensent qu’ils ont un don pour les mots, alors qu’ils sont juste coincés entre le cliché et le ridicule. Et après ils s’étonnent que personne ne leur réponde.

    LÉA :
    Mais le pire, c’est son attitude. Il parle comme si tout le monde lui devait de l’attention. Il commente partout, il se croit charmeur, genre “moi je suis différent, moi je comprends les femmes”. Non mec, t’es juste lourd.

    SARAH :
    Exactement. C’est ce genre de pseudo-intello pervers qui se cache derrière trois phrases de Baudelaire copiées-collées sur Google. Il veut faire croire qu’il est sensible, alors qu’il ne sait même pas écouter une phrase complète sans ramener tout à lui.

    LÉA :
    C’est fou, hein ? Il se prend pour un artiste. Il m’a dit qu’il “capture l’essence féminine à travers la lumière”. J’ai été voir ses photos : trois selfies mal cadrés, deux fleurs mortes et un vieux mur tagué. C’est ça son art ?

    SARAH :
    Oh mon dieu, c’est tellement typique. Ces mecs-là s’inventent une aura d’artiste torturé pour masquer le vide. C’est du grand théâtre. Et le pire, c’est qu’ils y croient.

    LÉA :
    Totalement. Et quand tu ne tombes pas dans leur piège, ils deviennent méprisants. Il m’a dit que j’étais “fermée à la beauté du monde”. Non, juste fermée à ta bêtise monumentale.

    SARAH :
    (Rires) Bien répondu ! Sérieusement, ces types sont prévisibles. D’abord flatteurs, ensuite blessés dans leur ego dès que tu ne valides pas leur délire. Ils passent du romantique raté au moralisateur vexé en deux messages.

    LÉA :
    Oui ! Et le pire, c’est qu’ils se recyclent. Apparemment, Jouibrulance a déjà changé de pseudo plusieurs fois. Toujours le même profil, les mêmes phrases, les mêmes techniques d’approche. Une sorte de fantôme numérique qui rôde sur les applis.

    SARAH :
    Une légende urbaine version 2.0. Franchement, il devrait faire peur, mais au final, il fait juste pitié. Tu vois, c’est ça le vrai malaise : un mec persuadé d’être irrésistible alors que tout le monde le voit venir.

    LÉA :
    Exactement. Au fond, il ne me met plus en colère. Il me fatigue. J’ai l’impression qu’il incarne tout ce qu’il y a de faux, de creux, de désespérément pathétique dans les réseaux.

    SARAH :
    Et toi, t’as bien fait de le bloquer. Faut pas leur donner une seconde de ton énergie. Ces types-là vivent du regard des autres. Si tu les ignores, ils s’éteignent tout seuls, comme des bougies bon marché.

    LÉA :
    Ouais… t’as raison. Et puis franchement, si Jouibrulance croit qu’il brûle de passion, moi je dis qu’il fume surtout du vide.

    SARAH :
    (Rires) Bien dit, ma belle. À la tienne — et à tous les Jouibrulance du net : qu’ils s’éteignent dans l’ombre qu’ils se sont eux-mêmes créée.

     

    Deux voix s’élèvent derrière elles, un peu tremblantes, mais curieuses.
    Deux jeunes filles, probablement majeures, se tiennent là, leurs écouteurs à la main.

     

    L’UNE D’ELLES :
    Excusez-moi… vous parliez de Jouibrulance ? Vous aussi vous le connaissez ?

    SARAH (surprise, un peu méfiante) :
    Euh… ouais. Enfin, on le “connaît”, c’est un grand mot. Pourquoi ?

    L’AUTRE FILLE :
    Parce que… nous aussi on le connaît. Enfin surtout elle (désigne sa copine). Elle parle souvent avec lui.

    LÉA (hausse les sourcils) :
    Ah bon ? Et vous trouvez ça normal ?

    LA JEUNE FILLE (rougissante) :
    Ben… oui. Il est gentil, en fait. Il écrit des choses magnifiques. Il m’écoute. Il parle comme personne d’autre.

    SARAH (sarcastique) :
    Ouais, il parle comme un mec qui veut t’endormir. Et après, il t’envoie des messages bizarres.

    L’AUTRE FILLE (pique) :
    Vous le jugez sans le connaître. Peut-être que c’est vous qui êtes dures, ou jalouses.

    LÉA (s’étouffe presque en riant) :
    Jalouses ? D’un type qui se prend pour un poète alors qu’il récite du copier-coller ? Sérieusement ?

    LA PREMIÈRE JEUNE FILLE (fronce les sourcils) :
    Vous ne comprenez rien à ce qu’il ressent. Vous le traitez comme un monstre, mais il a juste besoin d’être compris.

    SARAH :
    Non. Il a besoin qu’on lui mette des limites. Et que des filles comme toi arrêtent de croire que la souffrance, c’est du romantisme.

    LA DEUXIÈME FILLE :
    Et vous, vous croyez tout savoir ! Vous jugez, vous riez, vous salissez quelqu’un que vous ne connaissez même pas.

    LÉA :
    On ne le “salit” pas. Il s’en charge très bien tout seul.

    Un silence tendu s’installe. Les regards se croisent, brûlants, blessants.
    On sent le fossé entre les deux générations : d’un côté, la désillusion lucide ; de l’autre, la fascination naïve.

    SARAH (calme, mais ferme) :
    Écoute… on ne cherche pas à te convaincre. Mais sois prudente. Les beaux mots, ça ne veut rien dire si les actes ne suivent pas.

    LA PREMIÈRE JEUNE FILLE (la voix tremblante) :
    Peut-être… mais parfois, on préfère croire à quelque chose, même faux, que de ne plus rien ressentir du tout.

    LÉA (adoucit le ton) :
    Je comprends. Mais crois-moi, ce genre de mec, ça laisse des traces. Pas de belles. Des cicatrices.

    Les deux jeunes filles échangent un regard.
    La plus rêveuse baisse la tête, troublée.
    Sa meilleure amie la prend par le bras, et elles s’éloignent sans un mot.

    SARAH (soufflant) :
    Tu vois ? C’est ça le vrai problème. Ce n’est même plus lui, c’est tout ce qu’il fait naître chez les autres.

    LÉA :
    Ouais. Le vide, déguisé en passion.

    (Silence. Les deux jeunes filles s’éloignent. Mais soudain, la plus rêveuse s’arrête, se retourne. Ses yeux brillent — pas de colère cette fois, mais d’une émotion confuse.)

    LA JEUNE FILLE :

    Attendez…
    Vous croyez tout savoir, mais… vous ne savez pas tout.
    Moi, je sais qui c’est, Jouibrulance.

    SARAH (surprise) :

    Comment ça, tu “sais qui c’est” ?

    LA JEUNE FILLE :

    Parce qu’il sort avec ma sœur.

    (Léa et Sarah échangent un regard incrédule.)

    LÉA :

    Pardon ? Il sort… avec ta sœur ?

    LA JEUNE FILLE :

    Oui. Depuis presque un an.
    Enfin… “sort”, je sais pas si c’est le mot. Elle dit qu’il est “différent”, qu’il la comprend.
    Mais moi, je l’ai déjà vue pleurer à cause de lui. Souvent.
    Et à chaque fois, elle dit que c’est elle qui a “mal compris”.
    Comme si tout était de sa faute.

    SARAH (plus douce, inquiète) :

    Oh non… ton histoire, on la connaît trop bien.
    Ce genre de mec te fait croire qu’il t’aime, alors qu’il aime juste l’idée d’être aimé.

    L’AUTRE FILLE (celle qui le défendait, s’emporte) :

    Mais non ! Il n’est pas comme ça !
    Vous parlez sans savoir ! Vous répétez ce que tout le monde dit !
    Moi, il m’a jamais fait de mal. Il me parle avec douceur, il m’écoute, il m’envoie des poèmes qu’il écrit juste pour moi !

    LÉA :

    (Il soupire, triste)
    Tu crois vraiment qu’ils sont “juste pour toi” ?

    LA JEUNE FILLE :

    Ben… oui… enfin…
    (Il hésite, puis murmure)
    Je crois.

    (Un silence. La jeune fille baisse la tête. Sa main tremble légèrement, son téléphone dans la paume.)

    LA JEUNE FILLE :

    Mais je sais qu’il parle à d’autres.
    Des fois, il disparaît, puis il revient avec les mêmes phrases, les mêmes mots…
    Et pourtant, quand il me parle à moi, j’y crois encore.
    C’est idiot, hein ?

    SARAH :

    Non. Ce n’est pas idiot.
    C’est humain.
    On veut tous croire qu’on est l’exception.

    LÉA :

    Et lui, il le sait. Il joue là-dessus.
    Il veut être celui qu’on attend, pas celui qu’il est vraiment.

    L’AUTRE FILLE :

    Mais peut-être qu’il change, non ?
    Peut-être qu’il a juste peur d’aimer ?

    SARAH :

    Non, il a peur d’être vu pour ce qu’il est : vide.
    Et c’est pour ça qu’il se cache derrière des grands mots, des belles phrases.
    Il collectionne les cœurs comme d’autres collectionnent les miroirs — pour se regarder dedans.

    (La première jeune fille a les larmes aux yeux. Elle murmure presque pour elle-même.)

    LA JEUNE FILLE :

    Ma sœur dit qu’il l’aime.
    Mais moi, je crois qu’il aime surtout qu’elle pleure.
    Parce qu’alors, il peut la consoler.
    Et ça, ça le fait se sentir vivant.

    (Silence lourd. Léa baisse les yeux. Sarah, plus émue qu’elle ne veut le montrer, hoche la tête lentement.)

    LÉA :

    Tu sais… ça, c’est pas de l’amour.
    C’est du pouvoir.

    (Un temps.)

    SARAH (murmure) :

    Et le pire, c’est qu’il ne s’en rend même plus compte.

    (Les deux jeunes filles restent un instant figées. Puis la première range son téléphone, comme si ce simple geste était un adieu.)

    LA JEUNE FILLE :

    Je crois… que j’ai plus envie qu’il m’écrive.
    Même s’il me manque déjà.

    LÉA (doucement) :

    Alors t’as déjà fait le plus dur.

    (La jeune fille essuie une larme. Sa copine la prend par la main. Elles s’en vont sans un mot.
    Léa et Sarah les regardent partir, silencieuses.)

    SARAH :

    Tu vois ? Il brûle tout sur son passage.

    LÉA :

    Ouais…
    Mais peut-être qu’un jour, il n’y aura plus rien à brûler.

    (Elles restent là, face au vide, pendant que leurs téléphones vibrent dans leurs poches — une notification, un nom qu’elles reconnaissent, qu’elles ignorent. Cette fois, pour de bon.)

     

    Et vous, qu’est-ce que vous en pensez ?
    Est-ce que vous voulez connaître la suite de cette histoire ?
    Dites-le en commentaire — peut-être que Jouibrulance n’a pas encore dit son dernier mot…

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